par Thomas Grandperrin
Publié le 29 mai 2020
This article was initially published on Freshfruitportal.com.
L’agriculture « écologiquement durable » n’est pas seulement un moyen de répondre aux nouvelles attentes des consommateurs ou de répondre à la pression croissante des législateurs. De nombreux producteurs mettent en œuvre des pratiques plus respectueuses de l’environnement avant tout parce qu’ils estiment que c’est le moyen le plus efficace de cultiver des denrées alimentaires d’une manière économiquement viable, qu’ils obtiennent ou non une prix plus élevé sur leurs produits à la vente.
Je souhaiterais partager avec vous l’histoire de Chris Sayer, le gérant de Petty Ranch, une ferme de citrons et d’avocats créée par sa famille il y a un peu plus de 130 ans à Ventura, en Californie.
Chris est officiellement un producteur en agriculture conventionnelle, mais il utilise beaucoup de pratiques habituellement associées à l’agriculture biologique, comme l’utilisation de couverts végétaux pour aider à reconstituer et à protéger le sol, le lâcher d’auxiliaires des cultures et la mise en place d’une lutte intégrée comme principal outil de contrôle des ravageurs. Il définit son mode de production comme une « agriculture résiliente », un ensemble de pratiques qui permet d’augmenter les rendements les bonnes années mais aussi de maintenir les arbres en bonne santé en cas de sécheresse ou d’autres conditions de stress.
La couverture végétale, fondement d’une agriculture résiliente dans les vergers
Chris est un grand adepte des couverts végétaux, une pratique qu’il a commencé à mettre en place dans ses vergers en 2005. « Je pense que les couverts végétaux ont fait des choses merveilleuses pour nous. Mais dans ma région, je dirais qu’ils ne sont utilisés que sur 5% de la surface cultivée« , regrette-t-il, « j’aimerais voir ce chiffre augmenter« .
Les couverts végétaux et d’autres pratiques culturales comme l’utilisation de paillage ont contribué à doubler la teneur en matière organique de son sol. Même s’il a fallu environ six ans pour constater une amélioration importante, le résultat justifie un peu de patience. Il explique que « sur nos 20 et quelques hectares, cela équivaut à pouvoir retenir dans le sol presque dix millions de litres d’eau supplémentaires, qui seront utilisé par mes arbres après la fin de la saison pluvieuse« .
Dans son verger, Chris perçoit de manière directe les effets du changement climatique. « Je suis vraiment inquiet des pics de chaleur et des risques de gel. Une augmentation des températures moyennes ne fera pas vraiment de différence. C’est la différence entre les extrêmes qui peut nous impacter énormément.”
Selon lui, le principal moyen de s’adapter et de se préparer face à ces changements est d’améliorer la matière organique du sol afin d’augmenter sa capacité à retenir l’eau.
« Je pense que pour les gens qui ont des cultures similaires aux miennes, c’est le meilleur moyen d’être résilient et de développer une capacité à mieux tolérer les extrêmes climatiques. Je suis persuadé que si nous avons pu faire durer certains de nos vieux citronniers dix ans de plus c’est en partie grâce à l’amélioration des sols que nous avons réalisée. La taille de nos citrons diminuait d’année en année à mesure que nos arbres vieillissaient. Puis, lorsque nous avons introduit les pratiques de conservation des sols, la taille et la structure des fruits se sont améliorées, même sur des arbres qui étaient très vieux. Pour nous, ces améliorations ont largement compensées le coût des couverts végétaux et de ces autres pratiques culturales« .

Couverts de trèfles blancs sous des avocatiers
Mais les avantages ne s’arrêtent pas là. Il rapporte que « nous avons constaté que l’utilisation de couverture végétale semble renforcer notre programme de biocontrôle. Il fournit par exemple un excellent habitat pour les coccinelles, qui sont aussi des ennemis naturels des ravageurs très utiles. Elles viennent se reproduire dans les couverts végétaux, puis se déplacent dans le verger. Nous avons constaté que cela nous aidait beaucoup à maintenir notre population d’auxiliaires, même pour des insectes comme les coccinelles et les chrysopes vertes que nous ne relâchons pas nous-mêmes« .
Le biocontrôle, une technique efficace de lutte contre les ravageurs
La famille de Chris compte parmi les pionnières du biocontrôle par augmentation en culture plein champ en Californie, cette pratique étant utilisée dans sa ferme depuis les années 1930. Ils ont commencé à utiliser la lutte biologique comme solution pour lutter contre le pou de Californie (Aonidiella aurantii) et la cochenille jaune des agrumes (Aonidiella citrina), en utilisant une guêpe parasitoïde appelée Aphytis melinus. Depuis lors, ils ont mis en place le lâcher périodique de la coccinelle prédatrice Cryptolaemus, qui est l’un des prédateurs les plus notoires des cochenilles farineuses. Pour contrôler les acariens Persea (Oligonychus perseae), l’un des plus importants ravageurs en culture d’avocat, ils lâchent des acariens prédateurs Californicus, qui se nourrissent aussi parfois de thrips.
Si les lâchers d’insectes et d’acariens bénéfiques sont régulièrement effectués pour cibler des ravageurs spécifiques, le biocontrôle peut également aider à prévenir le développement de ravageurs secondaires ou nouveaux. Cela est particulièrement vrai lorsque les auxiliaires sont des prédateurs généralistes. Il commente que « l’un des avantages des coléoptères Cryptolaemus et des coccinelles sauvages est qu’ils sont des prédateurs tellement polyvalents, que s’ils ne trouvent pas ce pour quoi nous les libérons, ils trouveront autre chose à manger. En fait, certains entomologistes de l’université de Californie ont mentionné que les Cryptolemus et les coccinelles pourraient se nourrir également de psylles asiatiques des agrumes (ndlr: qui est un vecteur de l’une des maladies des agrumes les plus redoutables, le citrus greening). L’une des raisons pour lesquelles la propagation du psylle et du citrus greening (HLB) a été relativement lente dans la région de Ventura est peut-être cette tradition de lutte intégrée contre les ravageurs. Il y a déjà une population assez importante de prédateurs et de parasitoïde susceptible de chasser les psylles, les empêchant de s’établir« .

Une coccinelle à la recherche d’une proie sur un jeune avocatier
Le biocontrôle est une pratique maintenant bien intégrée dans son exploitation. Il conseille aux nouveaux praticiens de bien réfléchir à la manière dont ils concilient les lâchers d’auxiliaires des cultures et l’utilisation de produits phytosanitaires, car « vous ne voulez pas payer un prix relativement élevé pour les agents biologiques pour ensuite les tuer avec des produits phytosanitaires qui eux aussi coûtent cher« .
Il peut être difficile de trouver le bon cycle et de maintenir l’équilibre. « Heureusement, nous avons un conseiller en protection intégré contre les ravageurs qui supervise non seulement nos lâchers d’auxiliaires mais qui rédige également les recommandations de pulvérisation. Il faut absolument un conseiller agricole compétent. Je ne pense pas que je pourrais le faire sans l’aide d’Associates Insectary, la coopérative qui élèvent les auxiliaires que nous utilisons », admet-il.
Mais si une mise en œuvre rigoureuse est nécessaire, comme pour toute autre pratique agricole, Chris recommande vivement le biocontrôle. Il rapporte que « l’une des choses que l’éleveur d’insectes Associates Insectary a constaté au cours des 15 dernières années chez les agriculteurs avec lesquels il travaille, est une diminution constante et progressive de la quantité de produits phytosanitaires à appliquer par hectare. Et aussi les producteurs peuvent utiliser des produits moins nocifs que ceux qu’ils auraient du utiliser auparavant. Au fil des années, cette diminution est très claire« .
La décision d’utiliser la lutte intégrée et le biocontrôle à Petty Ranch est avant tout basée sur la constatation de leur efficacité et de leur bon retour sur investissement. Mais même si certains agriculteurs ne sont à priori pas très intéressés par la lutte biologique pour une raison ou une autre, Chris pense que c’est la direction que va prendre l’ensemble du monde agricole dans tout les cas, en raison des pressions croissantes des régulateurs, des riverains et des préoccupations des consommateurs. « Je pense que la possibilité d’épandre des produits phytosanitaires conventionnels aussi souvent ou aussi intensément que par le passé va peu à peu disparaître. Les agriculteurs devraient au moins commencer à expérimenter la lutte biologique pour être prêt à la mettre en œuvre dans toutes leurs parcelles lorsque cela sera nécessaire« .
Il est essentiel de travailler avec un expert en protection intégrée pour garantir le succès de la mise en œuvre de cette stratégie de lutte contre les ravageurs, mais Chris a également beaucoup appris par lui-même et recommande de consulter le site internet de l’Associates Insectary (ndlr: en anglais) pour obtenir des informations préliminaires sur le sujet. Il recommande également l’utilisation des réseaux sociaux, qui peuvent être un excellent moyen d’interagir avec les experts, en particulier sur Twitter où il est très actif.
Utilisez-vous des couverts végétaux ou le biocontrôle dans votre verger? Contactez-nous, nous aimerions connaître votre expérience et écrire à ce sujet !
Abonnez-vous à notre newsletter
Découvrez les actualités et des informations sur le biocontrôle, les témoignages d’utilisateurs et tenez-vous au courant des dernières nouvelles de UAV-IQ.
Articles sur des sujets similaires
La lutte intégrée contre les ravageurs, la meilleure voie pour l’agriculture de demain?
Surendra Dara nous en dit plus sur les avantages de la lutte intégrée contre les ravageurs, le manque actuel de mesures incitatives facilitant son adoption, la différence entre la lutte intégrée contre les ravageurs et l’agriculture biologique, ainsi que la nécessité d’améliorer le suivi des ravageurs dans le champ et d’encourager la formation des agriculteurs.
Une discussion sur le biocontrôle dans les cultures plein champ, avec Chrissie Davis, de Koppert
Une conversation autour de la lutte biologique et de certaines idées reçues à son sujet, de son histoire, des opportunités et des défis de sa mise en œuvre en culture plein champ ainsi que des nouvelles technologies utilisant des drones pour relâcher des ennemis naturels des ravageurs des cultures.
La “lutte intégrée numérique”: une discussion avec le fondateur de Farm Dog
Nous avons eu le plaisir de discuter avec Liron Brish, fondateur de Farm Dog, de sa vision de l’agriculture durable et de ce qu’il appelle la « lutte intégrée numérique contre les ravageurs”.
FOLLOW US ON
0 Comments